Un des effets de toute la propagande actuelle contre la Russie est de nous faire oublier les nombreux crimes contre l’humanité que les États-Unis, ainsi que tous les différents politiciens qui se sont succédés à la tête de cette superpuissance, ont pu commettre au fil des années, ce qui fait aussi que d’aucune manière nous devrions considérer qu’ils auraient la moindre crédibilité quand ils disent en même temps savoir ce qui serait le mieux pour tout le reste de la planète. Ci-joint, à ce propos, un texte signé par notre camarade François Tremblay qui retrace pour nous certains de ces crimes que Henry Kissinger, aurait notamment commis.
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Par François Tremblay,
Collaboration spéciale
En ces temps d’hystérie et de frénésie antirusses il est essentiel de rappeler les crimes perpétrés par l’impérialisme américain, qui est la seule superpuissance de notre époque. La propagande délirante des médias capitalistes contre la Russie, peu importe ce que l’on pense des actions de son gouvernement, tend à oblitérer cette réalité. On se croirait revenu au temps de la guerre froide quand les Soviétiques étaient constamment dépeints comme les “méchants” et les “barbares”, comme si le gouvernement américain n’était pas responsable d’une très longue série de crimes.
Henry Kissinger, qui a été le conseiller à la sécurité nationale et ensuite le secrétaire d’État des présidents républicains Richard Nixon et Gerald Ford, joua un rôle crucial dans les crimes de guerre américains des années 60 et 70, que ce soit au Vietnam, au Chili, au Timor-Oriental, à Chypre etc. Le regretté journaliste et écrivain américano-britannique, Christopher Hitchens, a publié un livre fort passionnant et intitulé ” Les crimes de monsieur Kissinger” qui a été traduit en français en 2001 par les Éditions Saint-Simon. Un véritable réquisitoire contre l’activité politique et diplomatique de Kissinger, un homme dépourvu de tout scrupule et qui mentait à qui mieux mieux.
Au Vietnam, il a largement contribué, selon Hitchens, à l’échec des pourparlers de paix tenus à Paris en 1968. Le président américain Lyndon B. Johnson avait accepté de cesser les bombardements sur le Nord-Vietnam afin de parvenir à une solution négociée. Henry Kissinger faisait partie de l’équipe des négociateurs américains et il aurait transmis des informations secrètes au candidat républicain pour les élections présidentielles de 1968, Richard Nixon. Ce dernier a fait capoter les pourparlers de paix en persuadant les dirigeants du Sud-Vietnam qu’un président républicain défendrait mieux leurs intérêts qu’un démocrate.
C’était une tentative claire de saboter la campagne présidentielle du démocrate Hubert Humphrey, successeur de Johnson. Les négociations ont pris fin avec le départ des Sud-Vietnamiens de la table des négociations et quatre années de bombardements intensifs s’ensuivirent sur le Vietnam, avec une extension sur le Cambodge et le Laos. Ces deux voisins du Vietnam accueillaient sur leur territoire des guérilleros Vietcong et ce fût suffisant aux yeux de l’impérialisme américain pour les dévaster de fond en comble. Il y a eu en même temps davantage de bombes larguées sur le Vietnam que pendant toute la durée de la 2ème guerre mondiale.
Au Chili, l’hostilité de l’administration Nixon envers le gouvernement progressiste et socialiste, dirigé par Salvador Allende est légendaire. Ce régime était une épine dans le pied de l’impérialisme américain qui appuyait une série de dictatures militaires qui favorisaient la domination des multinationales US sur ces pays. Les bonnes relations qu’Allende entretenait avec Cuba et les pays du bloc socialiste déplaisaient souverainement à Nixon et Kissinger. Ces derniers voulaient renverser le gouvernement Allende dès son accession au pouvoir. Les multinationales, comme ITT et Coca-Cola, voulaient en découdre avec la gauche chilienne. Le 22 octobre 1970, le général René Schneider, commandant en chef de l’armée chilienne et partisan de Salvador Allende, a été tué, suite à un complot orchestré par la CIA et dans lequel Kissinger fut aussi impliqué.
Christopher Hitchens a consulté des documents déclassifiés des services secrets américains qui démontrent hors de tout doute la responsabilité du gouvernement américain de l’époque dans cet assassinat. Le coup d’État du général Augusto Pinochet, qui a si bien servi les intérêts de l’impérialisme US en Amérique du Sud, a causé la mort de plusieurs milliers de personnes et sans aucun doute davantage.
Les opposants à la junte militaire chilienne furent poursuivis sans relâche, torturés et dans bien des cas assassinés. Les plus chanceux ont réussi à s’enfuir, dont un bon nombre au Québec, qui devint du fait même aussi une terre d’accueil pour bien de ces gens. Les partis de gauche, comme le Parti socialiste (PS), le Parti communiste (PCC) et le Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR) représentèrent des cibles de premier choix pour les militaires d’extrême-droite. Le secrétaire-général du PCC, à l’époque, Luis Corvalan, échappa à la mort, en trouvant refuge en URSS en 1976, suite à un échange avec le dissident soviétique Vladimir Boukovsky. Henry Kissinger a conservé de très bonnes relations avec Pinochet et il pris aussi sa défense, à la fin des années 90 ,alors que le tyran était passible de poursuites pour les crimes qu’il avait commis.
Kissinger fut aussi un défenseur du régime sanguinaire de Suharto, en Indonésie, ainsi que de la dictature militaire en Grèce, dans les années 70. Il donna aussi son appui, avec le président Gerald Ford, à l’invasion du Timor Oriental, en décembre 1975, par l’armée indonésienne, qui causa par la suite la mort de plus de 200 000 personnes. L’organisation révolutionnaire de gauche, Fretilin, soit le Front révolutionnaire pour la libération du Timor-Oriental, qui venait de former un gouvernement, après la fin de la domination portugaise, était certainement une source d’inquiétude aussi pour les Yankees. Il fallait à tout prix empêcher l’émergence d’un autre gouvernement socialiste, ou à tout le moins progressiste.
A l’île de Chypres, Kissinger fut également un ferme complice des militaires grecs d’extrême-droite qui organisèrent un coup d’État contre le président Makarios, démocratiquement élu, ce qui ouvrit ensuite la porte à une intervention militaire turque et à la partition douloureuse de cette île, située, au sud de la Grèce et non loin aussi de la Turquie. Aucune considération pour la vie humaine de la part d’un représentant de la “grande démocratie” américaine! Un terrible mépris bien au contraire pour le plus grand profit des grandes entreprises et de toute la classe dirigeante de cette superpuissance.Après son départ de la vie politique active, Kissinger a continué d’être présent en conseillant les différents présidents américains qui se sont succédés au pouvoir et en faisant du lobbying pour différentes multinationales auprès de gouvernements étrangers. Il a mis sur pied une firme-conseil, nommée Kissinger Associates, il a fait partie du conseil d’administration de multinationales comme Freeport-McMoran, spécialisée dans l’extraction du pétrole, du gaz naturel et des minéraux et impliquée dans des projets hautement dommageables pour l’environnement et les peuples indigènes. Ayant atteint pratiquement l’âge vénérable de 100 ans, Kissinger est moins actif de nos jours, mais il est toujours en liberté et a réussi à échapper à toute tentative pour lui demander des comptes sur ses actions criminelles. Son immunité diplomatique est pour ainsi dire éternelle!
Quand les faucons Nixon et Kissinger étaient au pouvoir, l’URSS socialiste existait toujours et pouvait exercer un contrepoids aux impérialismes américain, mais aussi européen. Elle n’a pas été en mesure d’empêcher les innombrables crimes de l’Oncle Sam et de ses alliés, mais elle fût néanmoins le principal soutien du Nord-Vietnam, pendant la guerre du Vietnam, et appuya également les peuples qui luttaient contre la domination coloniale. La propagande anticommuniste et antisoviétique a contribué à noircir sa réputation, en la dépeignant comme étant un régime criminel et totalitaire.
La Russie d’aujourd’hui, qui est capitaliste, est très différente de l’ex-URSS à tous les points de vue, mais elle est quand même dépeinte dans les médias occidentaux comme un affreux régime dictatorial voire et tout aussi totalitaire. Même si nous désapprouvons fermement nombre de ses politiques, dont l’invasion actuelle de l’Ukraine, nous refusons cette diabolisation facile. Ce ne sont certainement pas les États-Unis et l’OTAN qui peuvent donner des leçons de morale après tout. Le gouvernement ukrainien, qui opprime la population du Donbass et qui est infesté par l’extrême-droite, est tout aussi loin de représenter un modèle de probité. Il ne faut surtout pas flancher dans notre opposition résolue à l’OTAN et aux impérialismes occidentaux, les plus grands fauteurs de guerre de ce monde.
Source : https://www.pcq.qc.ca/Dossiers/Autres/Archives/page_article.php?article_id=7409